Baisse de l’inflation – quel impact pour les investisseurs ?
Dans l’ensemble des principales zones monétaires du monde, l’inflation baisse fortement. En Suisse, la Banque nationale a déjà annoncé une première baisse des taux d’intérêt. Et la Fed aux États-Unis tout comme la Banque centrale européenne laissent elles aussi entrevoir de premières baisses. Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseuses et les investisseurs ?
Finis les taux d’inflation qui atteignent des sommets : après quelque 10 % d’inflation dans la zone euro et aux États-Unis à l’été 2022, il semble que cette période fasse désormais partie du passé. Il en va de même en Suisse : à l’été 2022, l’inflation y atteignait son plus haut niveau depuis 30 ans, à 3,5 %. Et la situation est tout autre aujourd’hui.
Quel est l’impact pour les investisseurs ? En apparence, la réponse est simple : l’impact est positif. Mais en y regardant de plus près, la réponse n’est pas si tranchée. En effet, les banques centrales ont entre-temps fortement augmenté les taux d’intérêt, parfois par paliers très importants allant jusqu’à 0,75 point de pourcentage. Cela a entraîné une hausse du coût du crédit sans précédent depuis le début des années 1980.
Pour les amateurs de chiffres : dans la zone euro, les taux directeurs sont passés de -0,5 % à 4 %, aux États-Unis de 0 % à 5,5 % et en Suisse de -0,75 % à 1,75 %.
L’effet de taux élevés
Ces hausses des taux d’intérêt n’ont pas été sans conséquences pour l’économie. Pour les propriétaires et les acheteurs de biens immobiliers, elles sont avant tout allées de pair avec une hausse des taux d’intérêt hypothécaires. Construire est donc devenu plus cher au cours des deux dernières années – si bien que les investissements dans la pierre ont fortement diminué. Ce qui a freiné l’inflation. Pourquoi ? Si les clients sont moins nombreux à demander un devis pour la rénovation de leur maison, les entreprises de construction y réfléchissent à deux fois avant d’augmenter encore davantage leurs prix.
En Suisse, les hausses des taux ont eu des répercussions supplémentaires par l’intermédiaire du taux de change. La Banque nationale suisse avait déclaré dès décembre 2021 qu’elle autoriserait une appréciation du franc. L’idée étant la suivante : plus le franc est cher, plus les devises étrangères sont avantageuses. Ce qui, à son tour, réduit le prix des biens que nous achetons à l’étranger. Un franc fort contribue donc à un faible renchérissement.
Les taux pourraient bien baisser une nouvelle fois dans un futur proche
Nous le savons aujourd’hui : tout cela n’est pas que de la pure théorie. Les hausses de taux d’intérêt ont eu un impact réel sur l’inflation. Dans la zone euro, les prix n’ont dernièrement augmenté que de 2,6 %, après un pic d’inflation à 10,6 %. Et aux États-Unis, le taux d’inflation n’était plus que de 3,2 % en février 2024. L’inflation est donc à nouveau proche de la valeur cible de 2 % dans les deux zones monétaires
En Suisse, le renchérissement se situe déjà dans la fourchette cible. En effet, la Banque nationale suisse vise un taux d’inflation compris entre 0 et 2 %. Dernièrement, ce taux n’était plus que de 1,2 % en Suisse.
C’est précisément la raison pour laquelle la Banque nationale suisse a déjà pu baisser une première fois ses taux directeurs lors de sa séance de mars. Et sauf événement exceptionnel, la Fed et la Banque centrale européenne ne tarderont pas à en faire autant. Actuellement, la grande majorité des observateurs du marché tablent sur une première baisse des taux en juin dans ces deux espaces monétaires.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ?
Mais il n’est pas certain que ce soit une bonne nouvelle pour les investisseurs.
Certes, une baisse des taux d’intérêt montre que le problème de l’inflation des dernières années est résolu. Cela atténue les incertitudes et incite les entreprises à investir davantage. Ce qui va généralement de pair avec une hausse de la valorisation des entreprises, autrement dit du cours des actions. De ce point de vue, une baisse des taux d’intérêt est donc un bon signe pour les investisseurs.
Toutefois, une telle baisse signifie aussi que les banques centrales ont auparavant mis un sérieux coup de frein. Cela indique donc que la conjoncture n’est plus aussi bonne qu’il y a quelques mois. C’est ce que nous constatons par exemple en Allemagne, où l’économie s’est récemment contractée. Et plus les perspectives de croissance sont faibles, moins l’évolution du prix des actions est dynamique. De ce point de vue, une baisse des taux d’intérêt est donc plutôt un mauvais signe pour les investisseurs.
La baisse des taux d'intérêt peut toutefois aussi avoir un effet nul sur le prix des actions. En effet, ce n'est pas la baisse des taux d'intérêt en tant que telle qui entraîne une hausse des prix des actions - comme l'affirment souvent de nombreux commentateurs du marché. Ce sont plutôt les attentes de baisse des taux d'intérêt. Cela signifie à l'inverse qu'il ne faut pas s'attendre à un effet positif immédiat sur les cours des actions suite à des baisses de taux déjà anticipées.
Il se pourrait même que les taux d'intérêt baissent moins fortement cette année que ce qui était prévu il y a quelques semaines encore. Ce serait alors une mauvaise nouvelle pour les cours des actions.
L’auteur Fabio Canetg a obtenu un doctorat en politique monétaire à l’université de Berne et à la Toulouse School of Economics. Il est aujourd’hui enseignant en master d’économie à l’université de Neuchâtel et chargé de cours en MAS à l’université de Berne. Il travaille également en tant que journaliste, principalement pour la Radio Télévision Suisse et swissinfo.ch. Il anime le podcast de politique monétaire « Geldcast » et le podcast financier « Börsenstrasse Fünfzehn »